Avertissements de contenu : du trigger warning au taboo warning

Introduction

(la plupart des sources sont hélas en anglais, par manque d’analyses en français. Mes excuses pour les anglophobes, je ne traduirai pas les articles en entier, mais les explorateurs web proposent aujourd’hui des options de traduction plutôt concluantes…)

C’était en 2020, j’étais chez une de mes meilleures amies, lorsque l’attachée de presse de Noir d’Absinthe est venue me voir en MP pour me dire : « est-ce que tu as vu cette chronique ? Je ne sais pas quoi faire… »

La chronique en question concernait le roman Asphodel, de Louise Le Bars. Une blogueuse qui se proclamait féministe attaquait le livre, le qualifiant de raciste et de sexiste, et par là-même elle attaquait son autrice et la maison d’édition. Il nous était reproché, entre autres vilainies, de ne pas avoir mis de trigger warnings, terme abscons que nous découvrions ce jour-là.

Louise avait à l’époque répondu à ces détracteurs par une lettre ouverte (source : https://www.noirdabsinthe.com/single-post/lettre-de-louise-le-bars )

Définition et Historique des Trigger Warnings

Un trigger warning, ou avertissement de contenu en français, est une mention des éléments du texte risquant de déclencher (trigger en anglais) des crises d’angoisse chez le lecteur ou le spectateur. À leurs origines, ces avertissements avaient comme fonction de prévenir des personnes sujettes à un Syndrome de Stress Post-Traumatique (connu sous son sigle anglais de PTSD) qu’un élément risquait de causer une crise d’angoisse ou un rappel du trauma.

En effet, les personnes sujettes à ce trouble psychiatrique (trouble au sens du DSM V, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) peuvent revivre leur traumatismes (on parle alors de reviviscence) notamment en étant exposés à un stimulus rappelant ceux-ci. (source : https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troubles-psychiatriques/anxiété-et-troubles-liés-au-stress/trouble-de-stress-post-traumatique )

Il est donc question, par le biais d’avertissements de contenus, d’épargner aux victimes de Stress Post-Traumatique une exposition non désirée à un contenu risquant de déclencher une crise. On parle par exemple de viol ou d’agression.

Les avertissements de contenu ont peu à peu été étendus au-delà de cette question purement psychiatrique. Dans les années 90, ils étaient utilisés sur des sites féministes, notamment lorsque des viols subis par les utilisatrices étaient décrits de manière graphique, afin de préserver des victimes potentielles de crises dues à un stress post-traumatique. Je trouve cet usage tout à fait légitime dans ce cadre, car le public de ce genre de sites et forums avait des chances non négligeables d’être directement concerné, et des descriptions crues de violences réelles peuvent s’avérer très difficiles à soutenir, même lorsque l’on est pas concerné.

Dans les années 2010, cet usage s’est étendu dans certaines facultés américaines. Dès lors, il ne s’agissait pas de prévenir par un avertissement qu’un contenu pouvait déclencher une crise, mais parfois même de l’enlever des cours. Il était conseillé aux professeurs que les textes sensibles soient facultatifs, afin de préserver la santé mentale et émotionnelle des étudiants.

Des étudiants du Maab (Multicultural Affairs Advisory Board) de Columbia ont ainsi demandé à ce que les Métamorphoses d’Ovide soient assorties d’un avertissement, car il y a des scènes de viol. Dès lors, ils ne se sentaient pas en sécurité dans la salle de classe parce qu’il y avait une scène de viol dans de la littérature antique. (source : https://www.columbiaspectator.com/opinion/2015/04/30/our-identities-matter-core-classrooms/). Pour rappel tout de même, Ovide est étudié dans des cursus humanités ou lettres classiques, où le corpus littéraire (antique) risque de faire peu de cas du viol et du sexisme. Des étudiants s’intéressant à l’antiquité mais ne supportant pas la violence d’Ovide se sont peut-être tout trompés de voie… De plus, autant les descriptions de viols réels sur des forums en ligne peuvent vraiment s’avérer choquantes, autant de la poésie latine se montre tout de même beaucoup moins graphique.

Les triggers warning concernent également d’autres sujets, comme le sexisme, le racisme, l’homophobie, etc, et ont fait leur irruption dans le débat au Oberlin College, en 2013 (source : https://newrepublic.com/article/116842/trigger-warnings-have-spread-blogs-college-classes-thats-bad ).

On est donc passés d’un outil pour prévenir des reviviscences de stress post-traumatique à un outil d’alerte sur des contenus sensibles, ce qui n’a plus rien de psychiatrique.

En effet, on entre cette fois non plus dans le domaine du traumatisme, mais celui des valeurs. Des contenus pouvant heurter les valeurs de personnes sont ainsi mis en exergue et, contrairement aux traumatismes, les valeurs sont fluctuantes et sociales, et elles n’ont plus rien à voir avec la psychothérapie et le soin.

Note sur les avertissements liés à l’âge : Les contenus audiovisuels, musicaux, ou même de fiction, ont depuis longtemps été assortis d’avertissements liés à l’âge. Cela a pour but de préserver les enfants et les adolescents de contenus qui ne sont pas de leur âge, comme par exemple la pornographie ou la violence. Cela ne rentre pas du tout dans le cadre des trigger warnings contemporains.

On se retrouve pourtant, quelque part, à considérer des personnes adultes comme des mineurs et à les protéger comme on le ferait avec des enfants. Certains opposants au Triggers Warnings parlent d’infantilisation des lecteurs et lectrices et je ne saurais que leur donner raison.

Quant aux avertissements plus détaillés dans la fiction pour mineurs, je peux éventuellement l’entendre, dans le sens où elle aide les parents à choisir les sujets de lecture de leurs enfants, même si cela peut s’avérer contre-productif, notamment si on considère les familles ultra-conservatrices. Les enfants risquent purement et simplement d’être privés d’une des rares sources d’émancipation que représente le livre.

Depuis, les avertissements de contenu se sont invités dans les œuvres de fiction (notamment par le biais de la fanfiction américaine) et ils ont trouvé leur place en France, jusqu’à se trouver au centre de polémiques parfois virulentes dans la littérature contemporaine française.

Du Trigger Warning au Taboo Warning

J’ai personnellement eu affaire à de nombreux auteurs et quelques éditeurs après le cas Asphodel qui m’ont témoigné leur crainte de l’accueil du public pour leurs textes les plus difficiles. Non seulement certains ont décidé de se prémunir en se soumettant aux trigger warnings, mais d’autres ont préféré se censurer.

Les défenseurs des trigger warnings argueront que justement, ces avertissements ont pour objet de permettre à tous et à toutes de s’exprimer le plus librement possible, pourvu que ce soit annoncé, et cette annonce n’a même pas besoin de se trouver en début d’ouvrage, au risque de spoiler l’œuvre (comme peut le faire Netflix, qui annonce des moments clefs de l’intrigue d’un épisode de série en plaçant un grand avertissement en début d’épisode… passons).

Cet argument est pour moi fallacieux. L’avertissement de contenu n’est pas neutre, il ne s’agit pas d’un petit mot dans l’ouvrage pour prévenir les reviviscences de personnes traumatisées. Il s’agit d’un choix politique qui accompagne toute une culture américaine, que l’on ne peut importer partiellement.

On est passés d’avertissements pour des posts très douloureux sur des forums en ligne à des cours dans les universités américaines puis à de la littérature. C’est un mouvement qui s’effectue par étapes et, dès lors qu’on stigmatise des œuvres parce qu’elles abordent des thématiques difficiles, il y a un problème. Dès lors que des artistes ont peur de s’exprimer sur des sujets de société, on peut s’interroger sur la liberté d’expression et la liberté artistique.

Oui, les défenseurs des triggers warnings ne demandent pas stricto sensu une censure des livres, mais ils participent à un mouvement de fond qui braque les projecteurs sur les artistes. Il est tout à fait légitime de critiquer et d’attaquer les artistes qui défendent des valeurs nauséabondes ou qui sont eux-mêmes connus comme étant des ordures. Attaquer Polanski, c’est bien. S’en prendre à JK Rowling, c’est logique. Critiquer Cinquante Nuances de Grey, il le faut. Les œuvres racistes, sexistes, homophobes, classistes, validistes, etc. doivent être pointées du doigt.

En revanche, je m’oppose à ce que l’on pointe du doigt ces sujets en tant que tels, car dès lors, on crée une responsabilité artistique qui n’a pas lieu d’être. Notre dernier roman chez Noir d’Absinthe est affublé d’avertissements de contenu, non pas parce que nous y croyons, mais parce que le public de ce type de livres (romance gay) peut se montrer virulent et destructeur envers les autrices, jusqu’au harcèlement en ligne. Nous avons donc laissé le choix à l’autrice et l’avons soutenue quand elle a décidé de se prémunir de violences potentielles, tout cela parce qu’elle parle de sujets douloureux et importants… Mais non, il n’y a pas de problème, n’est-ce pas ?

Cadre privé et cadre public : je vais vous avouer quelque chose. Dans le cadre privé, je fais usage des avertissements de contenu. Quand quelqu’un que je connais me demande conseil ou s’intéresse à un de mes livres, je lui dis si l’œuvre est pour elle ou non. Je déconseille ainsi un certain nombre de mes œuvres à ma maman, qui ne supporte pas la violence.

Je fais aussi du jeu de rôle, et j’aime aborder des sujets très difficiles de façon profonde et personnelle, tels que les viols, le deuil, la drogue, les violences… Dans ces cas, nous faisons en général un tour de table pour voir quels sujets sont proscrits et lesquels sont okay. Je n’aimerais pas que quelqu’un se sente mal à ma table parce que j’ai été trop loin pour elle. D’ailleurs, des quelques expériences que j’ai eues, explorer les sujets sensibles peut s’avérer thérapeutique…

Il y a toutefois une différence notable entre le cadre privé et le cadre public. Dans le privé, par essence, je ne prends pas une responsabilité vis-à-vis du public. J’ai juste connaissance des goûts et des blocages de mes proches, et je peux les conseiller, rien de plus.

Un trigger warning public, d’autant plus s’il est exigé (et cette exigence des lecteurs est de plus en plus pressante), revient à adhérer à tout ce que ce type d’avertissements cautionne et encourage. C’est un choix qui ne relève plus du simple conseil, mais de l’engagement politique. Il ne contient pas de discussion et d’échange, il est posé sur le livre de manière formelle et impersonnelle. Ce n’est pas la même chose que discuter avec ses proches du contenu des œuvres.

Déjà, je suis mitigée quant aux trigger warnings qui viseraient à protéger des réviviscences (je vous renvoie de nouveau au DSM V), parce que pour moi, l’Art n’a pas vocation à gérer des traumatismes et les personnes victimes de ce syndrome de stress post-traumatique ont avant tout besoin de se tourner vers un suivi psychologique. Je suis de plus intimement persuadée qu’une personne souffrant de PTSD évitera d’elle-même les œuvres susceptibles de déclencher une crise, par exemple en posant la question à un libraire, ou en lisant des avis sur Internet. Et pour les œuvres qui présentent d’un coup des scènes de violence extrême alors que rien ne le présageait, c’est généralement qu’elles sont de mauvaise qualité, et un simple avertissement n’y changera rien.

Note : Les trigger warnings prendront par exemple le viol. Il sera dès lors identifié qu’un livre parlant de viol risque de ne pas être lu par une partie du public qui choisira de ne pas prendre le risque, tandis qu’à côté, des ouvrages qui présentent des situations problématiques passeront le filtre de l’avertissement. Beaucoup d’œuvres aujourd’hui romantisent en effet le viol et présentent des personnages qui « vivent bien » des situations où elles ne sont pas consentantes, par exemple parce que le non violeur est beau, riche ou pas « trop méchant ». On retrouve beaucoup ça en littérature romantique ou, pire encore, en littérature jeune adulte… C’est autrement plus dangereux à mon sens qu’un livre qui montre frontalement un viol.

Les rares études scientifiques sur les trigger warnings tendent à confirmer mes propos (source : https://www.researchgate.net/publication/334380654_Helping_or_Harming_The_Effect_of_Trigger_Warnings_on_Individuals_with_Trauma_Histories )

Mais quand il s’agit des valeurs, on sort du registre du PTSD et on se rapproche dangereusement des méthodes des vraies censures. Quand des professeurs ne peuvent plus présenter sereinement Ovide ou Gatsby, il y a pour moi un vrai problème sociétal, qu’heureusement nous n’avons pas (encore) importé des USA.

Note : J’ai d’ailleurs tout le mal du monde à comprendre comment nous avons importé dans nos œuvres de fiction ces trigger warnings, car j’ai trouvé peu de sources sur le sujet. S’agirait-il simplement de traductions de livres américains qui ont conservé ce mécanisme et par ce biais, le phénomène se serait-il déployé sans réflexion préalable ? C’est assez stupide pour être le cas. En tout cas, le fait même que nous utilisions les termes anglais en dit long…

Quelque part, on passe d’avertissements pour prévenir les crises de stress post-traumatique à des avertissements pour alerter que l’œuvre aborde des thématiques de société difficiles. Il y a un mot quand on désigne un sujet comme sensible d’un point de vue sociétal : le tabou.

Ainsi, le Trigger Warning est devenu un véritable Taboo Warning.

Pour l’illustrer, parlons d’Harvard. Il y a de nombreux cas où les discussions sur les lois concernant le viol posent problème, et des élèves ou des organisations demandent à ce que ce sujet ne soit pas utilisé lors d’examens, car risquant de créer ces reviviscences dont nous avons déjà parlé. Les professeurs se retrouvent dès lors démunis face à ces classes où ils doivent marcher sur des œufs pour enseigner des lois pourtant essentielles. Mieux vaut-il former des générations à défendre des victimes de viol, ou les épargner parce que cela suscite le malaise ? (source : https://www.newyorker.com/news/news-desk/trouble-teaching-rape-law )

On est dès lors en pleine fuite du tabou, où la peur de l’inconfort et du stress prend le pas sur le fait d’affronter la réalité. Le viol existe, les agressions existent, et il vaut mieux d’une société qui lutte contre que d’une société qui se cache les yeux. L’Art permet justement de se confronter à des situations créant le malaise, mais ce sont des situations fictives, qui ont notamment comme fonction de préparer l’esprit à la réalité, de susciter l’empathie, de simuler la réalité. Chercher à tout prix à se protéger de chocs émotionnels fictionnels n’est pas quelque chose que nous devons favoriser, c’est tout l’inverse. L’Artiste n’a pas pour vocation de prémunir des traumas. Au contraire, sa vocation est pour moi de cracher les traumas sur le papier et d’explorer ses ténèbres. La littérature et l’Art devraient s’aventurer sur ces chemins tortueux et douloureux. En tout cas, l’Art se doit d’interroger.

En revanche, quand une œuvre le fait de manière gratuite et obscène, présentant par exemple des scènes de viol sans l’accompagner de réflexion ou ne permettant aucun recul, ou simplement comme ressort narratif, alors c’est que l’œuvre est problématique. Si le sujet est mal traité, aucun avertissement ne résoudra quoi que ce soit. Ainsi, je suis tombée sur le témoignage d’une étudiante américaine qui expliquait s’être sentie mal parce qu’en cours d’espagnol, un professeur avait passé un film présentant des viols, le cours ayant à vocation à enseigner la langue. N’importe quel extrait de film aurait suffi et ici, le choix du professeur ne semble pas légitime. Ce serait un peu comme montrer Irréversible pour enseigner le français, ce qui ne présente aucun intérêt, ce type d’œuvres devant en effet être accompagnée par l’enseignant dans sa présentation. Cela dit, est-ce que des avertissements de contenu seraient utiles dans pareille situation ? Rien n’est moins sûr…

Note sur le consentement : les défenseurs des avertissements de contenu avancent souvent la notion de consentement. En effet, l’avertissement permettrait de s’assurer du consentement du lecteur pour ce qu’il va lire, au lieu de lui imposer des scènes qu’il n’aurait pas consenti à lire de manière libre et éclairée. Je suis de mon côté bien gênée que le consentement, si important dans les relations intimes, soit évoqué aussi légèrement pour de la littérature. Lire une scène de viol, même si on ne s’y attend pas, n’a rien à voir avec un viol. Pour moi il ne s’agit pas d’une question de consentement mais de contrat, totalement dans l’esprit américain ultra-procédurier. On rédige en effet des avertissements écrits qui stipulent le contenu de l’œuvre et protègent donc non pas le lecteur, mais avant tout l’éditeur, qui peut clairement lancer un « nous vous avons prévenu » en cas de problème. Un peu comme avec les sensitive readers, terrain sur lequel je ne m’aventurerai pas aujourd’hui…

Je vous renvoie pour cela au fameux procès Liebeck v. McDonald’s Restaurants de 1998, révélateur de la pensée américaine en matière de droit. Ce procès a valu à McDonald’s d’indiquer sur toutes ses boissons chaudes que le contenu était brûlant et dangereux à la suite d’un accident qui a gravement handicapé une cliente. En conséquence, ce n’est pas la dangerosité du produit qui a été modifiée (les boissons étaient servies trop chaudes, ne pouvant pas être consommées immédiatement, ce qui a conduit à beaucoup d’accidents), mais une étiquette qui a été apposée pour prévenir du problème, sans le solutionner.

C’est l’essence même des avertissements de contenus, qui ont comme seconde fonction de prémunir les éditeurs de poursuites judiciaires et de revers dans les réseaux sociaux davantage que de réfléchir aux sujets et aux causes du malaise.

Une étiquette et ça va mieux, ou l’importation en France de l’hypocrisie américaine…

Conclusions

Pour en revenir à l’histoire qui a tout déclenché chez nous, notre scandaleux Asphodel, tout s’est mélangé. On nous a accusées certes de ne pas mettre de trigger warnings, mais aussi et surtout de promouvoir la culture du viol et d’être racistes. Ainsi, puisque nous ne mettions pas un petit « attention, sexisme » nous devenions sexistes. Puisque nous ne mettions pas un petit « attention, racisme » nous devenions racistes. Mais tout va bien, ne parlons surtout pas de la violence, bien réelle, elle, à l’encontre de l’autrice.

Bien entendu, toutes les personnes qui promeuvent les avertissements de contenu ne manquent pas à ce point de discernement, mais cet exemple illustre à merveille l’amalgame entre l’outil qu’est le trigger warning et les valeurs américaines puritaines qui l’accompagnent, car oui, même si les Universités en question se classent plutôt du côté démocrate de l’échiquier politique américain, il demeure que le pays est profondément enraciné dans un terreau protestant aux relents de puritanisme. Notons tout de même que les facultés comme Colombia ont finalement décidé de ne pas imposer aux professeurs de faire usage de ces avertissements, qui restent donc à leur discrétion.

Nous sommes en France, pays de la Raison et des Lumières, et nous devrions être en mesure de faire la part des choses entre les propos d’un personnage et ceux d’un artiste. Nous n’avons pas besoin de l’approche lisse et dénuée de mesure des Américains (et encore, beaucoup d’Américains ont heureusement la présence d’esprit de lutter contre ces mouvements stupides).

Nous avons assez à faire avec l’Extrême-Droite et la Droite Chrétienne qui n’attendent que d’interdire pour de vrai les textes, et qui le font déjà très bien Outre-Atlantique. Ne leur facilitons pas le travail.

La Culture doit rester libre, à tout prix, et les Artistes n’ont qu’une seule responsabilité : leur Art.

Les commentaires sont ouverts, mais aucune réponse ne sera donnée à des retours sans argumentation.

Pour aller plus loin :

15 commentaires sur « Avertissements de contenu : du trigger warning au taboo warning »

  1. Une analyse qui rejoint complètement ma pensée, merci pour cet article nécessaire. Une littérature lissée, fade et consensuelle, voilà ce qui nous attend si on n’y prend pas garde. Méritera-t-elle encore d’être un art dans ces conditions ? (spoiler : NON !)

  2. Bravo, Morgane, pour cet article intelligent et recherché. « Traumatismes vs valeurs », tu as mis le doigt sur ce qui me chiffonnait dans l’utilisation actuelle des trigger warnings.
    Ce glissement dangereux vers une littérature censurée et où les auteurices peuvent être victimes de ce qu’on leur reproche à tort.
    Vraiment, merci pour cet article. 👍

    1. Merci pour ton commentaire, Nathalie, je suis contente si j’ai pu mettre le doigt sur ce qui te gênait.

  3. Ce qui me rappelle une ancienne interview du groupe belge a:grühm (qui ?) qui avait une chanson particulièrement dure sur le viol, visant à bien faire toucher du doigt son horreur. Après un concert, une spectatrice est venu les agresser sur le thème « comment osez-vous ? », puis sans transition, a fondu en larmes et dit qu’elle avait été violée durant son adolescence et n’avait jamais pu en parler jusqu’à ce jour. Qu’on en tire les conclusions qu’on veut… Rappelons aussi ce « parental guidance » imposé par les culs-bénits (les mêmes qui couinent comme des gorets lorsqu’on fait payer un sou aux zentilles sociétés privées) après qu’ils aient fait interdire l’album de 2-live Crew, puis que le jugement ait été retourné. Un des titresincriminé, « love you long time » (je crois), n’était autre qu’une référence au pourtant respectable « Apocalypse Now ». Peu après, l’autocollant « PA » garantissait de bonnes ventes…

    1. Oui, en musique c’est tellement hypocrite aussi… Le fameux Explicit Content qui ne sert à rien, sinon à donner envie de se tourner vers ce type d’albums quand on est ado…

      Et puis y a tout le lissage des mots pour la radio ou les clips. Quand Radiohead doit enlever son « fucking » special en live enregistré, pour le remplacer par un « very », c’est d’un risible… C’est sûr que ça va protéger la jeunesse, tout ça…

  4. Tout ce que tu as dit rejoint ma pensée, et je te remercie une fois de plus de ne pas avoir la langue dans ta poche.

    Pour moi, les avertissements ne servent pas à grand-chose, ils ne sont qu’une étiquette politique. Au mieux, la plupart des gens devraient avoir la clarté d’esprit de faire attention à ce qu’ils veulent lire. Quand bien même un contenu choquant se révélerait inattendu, si cela est bien fait, alors ce n’est pas l’artiste qui est en cause, mais la manière dont la personne décide de percevoir ce contenu. C’est pour cela que je trouve que, dans les écoles, une attention particulière doit être portée à l’émotionnel et au vécu de la personne, sans pour autant devoir se censurer. Mais les techniques à employer sont un autre débat. Si une personne présente des antécédents psychologiques ou psychiatriques, cela devrait être su avant son entrée.

    Ce qui me choque le plus dans ces avertissements de contenu, c’est l’hypocrisie qu’il y a derrière, et donc la manière dont ils sont utilisés. Il y a clairement une infantilisation dans tout ça, et c’est pour ça que les populations sont en perte de repères. Comme je le pense depuis longtemps, je trouve que la France ne cesse de s’américaniser, et ça me désole. La culture dans son ensemble s’en trouve sclérosée, au profit d’un impérialisme américain qui ne cesse de jouer sur le pseudo puritanisme et le politiquement correct, pour mieux cacher sa noirceur (mais je ne mets pas tout le monde dans le même panier pour autant). De ce fait, si cela continue, on risque de se retrouver avec une littérature lisse, contrôlée, maniant avec habilité l’hypocrisie et la fausse politesse.

    Le principal problème de ce politiquement correct, c’est le manque de réflexion et d’émotion qui en découle, ainsi qu’une idéalisation de l’image. L’art est fait pour interroger, choquer et provoquer un sentiment de révolte dans ce qu’il dénonce ! Il peut même être capable de faire changer, dans une moindre mesure.
    La censure entraîne pour moi un conditionnement social, même si tout possède ses limites. Preuve en est cet extrémisme à l’égard de Louise et de la maison. Pour connaître Louise et ses domaines de prédilection ainsi que de la maison, je suis profondément choqué par ce que j’ai lu. Un roman, même s’il possède une part personnelle, reste avant tout de la fiction, et ne doit donc pas être pris au premier degré. Une telle connerie humaine me sidère !

    1. Merci pour ton commentaire intéressant et argumenté. Nous sommes bien d’accord sur le danger que représente l’américanisation de la société…

  5. Actuellement, sur les forums de jeu de rôle à « apparence réelle », se gangrène le problème des « trigger warnings », qui eux même me trigger, parce que ça en deviens n’importe quoi (j’ai vu des forums ou des gens parlant de leurs personnages, parler de « adoption » « champignon » « insolence » « médecine » en trigger, sans que je n’en comprenne l’intérêt). Je sais, que par exemple, les récits apocalyptiques me posent souci et me mettent mal, mais en ce cas, je vais pas les lire (ou rejoindre un forum qui en parle, non sans savoir les conséquences).

    Cet article me fait du bien. Il me donne des arguments sur mon mal être vis à vis de ses triggers warning devenus « obligatoires » pour les forums, alors que moi, je veux juste jouer librement, sans faire toujours et continuellement attention à ce que je vais dire. (il faut faire attention à ce qu’on dit, pour ne pas que ça sois problématique, mais delà à faire attention à tous les triggers)…

    Pour le côté « thérapeutique de jouer ses triggers », je suis d’accord. Preuve en est que quand il me vient l’obligation d’indiquer les miens, je précise « maltraitance d’enfants » (un sujet épineux pour moi qui parfois me fait du mal selon le média), mais pourtant j’ai un personnage qui enfant, a été maltraité, parce que c’est aussi thérapeutique pour moi. (bon, à contrario, encore une fois, les fins du monde, c’pas trop mon truc).

    Donc, merci pour cet article, il me réconforte et me fait du bien.

    1. Merci beaucoup pour ton commentaire, je suis vraiment contente si mon article a pu te réconforter. Je trouve aussi que derrière cette volonté de préserver la santé mentale de personnes, ce qui est en soit louable, on place une pression supplémentaire sur chaque texte et un jugement permanent sur les auteurs et autrices, ce qui est beaucoup moins louable…

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