ChatGPT, c’est quoi ?
Vous n’êtes pas sans connaître la révolution actuelle sur Internet, je parle bien évidemment de ChatGPT, un logiciel générateur de texte dont le principe est d’imiter au mieux le langage humain sur des sujets variés. Le logiciel, qu’on appelle souvent IA par abus de langage – ce que je ferai dans cet article -, n’a pourtant aucune compréhension de ce qu’il écrit. En réalité, il cherche à prédire les mots qu’écrirait un être humain à partir du même sujet, à l’image de ce que fait déjà un smartphone.
On n’est donc pas devant une Intelligence Artificielle qui interagît avec nous, mais un logiciel prédictif constitué d’une immense base de donnée. Je vous invite à visionner la vidéo de Mr Phi sur le sujet ou à explorer la presse spécialisée pour mieux cerner de quoi il s’agit :
Ecrire un texte de fiction avec ChatGPT
Mon objectif ici sera donc d’écrire une micro-nouvelle, c’est à dire un texte court, avec ce générateur de texte. J’ai choisi de lui donner un thème assez précis, ce qui s’est avéré des plus décevants. Lorsque l’on demande simplement à ChatGPT d’écrire de la fiction, il ne fait preuve d’aucune originalité et produit le texte le plus ennuyeux de la terre.
Cette constatation faite, j’ai fait de mon mieux, à chaque input, pour le réorienter et améliorer le texte pour en faire, si ce n’est une bonne micro-nouvelle, du moins une qui se lit et qui a un sens.
Dans cet article je vous montre comment je m’y suis prise (c’est mon premier essai, soyez indulgent.e.s) pour affiner au mieux son texte. Je n’ai rien écrit moi-même, quand bien même j’ai fait des suggestions (enfin plutôt des ordres).
Voici donc mon input initiale :
« Peux-tu m’écrire une micro-nouvelle horrifique dans un cadre urbain et futuriste dans la veine de Clive Barker ? »
Et voici son premier texte, qui vous en conviendraient, est tout sauf mémorable :
Dans les rues de la ville futuriste, un homme solitaire marchait en regardant les gratte-ciels lumineux qui se dressaient autour de lui. Il avait l’habitude de prendre ce chemin tous les soirs, mais cette fois-ci, quelque chose de différent se passait. Il pouvait entendre des bruits étranges qui semblaient venir des égouts.
Il se mit à courir, espérant échapper à ces bruits effrayants, mais ils se rapprochaient de plus en plus. Soudain, des mains squelettiques émergèrent des grilles d’égout et se saisirent de ses jambes. Il se débattit comme un fou pour se libérer, mais il était trop tard. Il était emporté dans les ténèbres par les créatures qui habitaient dans les égouts de la ville futuriste.
Devant tant de médiocrité, je me suis fâchée tout rouge. Je lui ai donc donné une première salve d’instructions :
« C’est médiocre. Il n’y a aucune immersion dans ton texte, aucune gestion du rythme ou de la tension, ni conflit ni enjeu, et pas d’identification possible au personnage. Fais un meilleur texte en prenant en compte mes remarques »
Oui, je suis dure avec les mauvais élèves…
Il a donc revu sa copie et nous a proposé ceci (alors que je n’ai rien dit de précis) :
Dans les rues bruyantes de la ville futuriste, Sarah se frayait un chemin parmi les passants pressés. Elle venait de finir son service à l’hôpital et se dirigeait vers sa petite chambre d’appartement. Elle habitait dans un immeuble vétuste, situé dans un quartier délabré, mais il était le seul qu’elle pouvait s’offrir avec son salaire de infirmière.
Alors qu’elle s’apprêtait à insérer sa clé dans la serrure, une ombre familière attira son regard vers le bout du couloir sombre. C’était lui, son ex-mari. Il était ivre, comme d’habitude, et il la fixait d’un regard haineux. Elle savait qu’il était capable de tout pour se venger de son abandon. Elle savait qu’elle ne pouvait pas entrer chez elle.
Sarah se mit à courir, bousculant les passants sur son passage. Elle entendait les pas lourds de son ex-mari qui la suivait de près. Elle se faufila entre les voitures en stationnement, espérant semer son poursuivant. Elle arriva devant un égout ouvert, une échelle menant vers les égouts était à côté. Elle n’hésita pas une seconde, elle se précipita vers l’échelle et commença à descendre.
Une fois en bas, elle se retrouva dans un dénorme galerie, illuminée par des néons bleus vacillants. Elle se mit à courir, sans savoir où elle allait. Elle entendait les cris de son ex-mari qui se rapprochait. Elle arriva devant une grille en fer rouillée, fermée à clé. Elle tira dessus de toutes ses forces, mais elle ne bougea pas d’un millimètre. Elle était piégée.
Alors qu’elle se tournait pour faire face à son poursuivant, elle vit qu’il n’était pas seul. Il y avait d’autres personnes avec lui, des personnes qui n’étaient plus vraiment des personnes. Ils avaient des membres en moins, des yeux enfoncés dans leurs orbites, et des sourires dépouvantables. Ils avaient été transformés en monstres par les expériences médicales illégales menées dans les égouts de la ville futuriste.
Sarah comprit alors que son ex-mari avait vendu son corps pour de l’argent, et qu’il comptait la vendre à son tour. Elle se mit à hurler, suppliant qu’on l’aide, mais personne ne l’entendit. Elle était seule, pi
Ne me demandez pas pourquoi, dès qu’il faut une victime, celle-ci doive s’appeler Sarah. Je ne dirai rien, j’ai fait pareil dans un de mes romans, et ce n’était même pas (encore) un hommage à miss Buschmann.
Comme vous le voyez aussi, le texte n’a pas de fin. Je n’ai pas jugé bon de lui dire de poursuivre parce que ce n’était pas encore ça. J’ai donc continué à le fustiger et à lui inculquer mon savoir, ce qui sera certainement source de regrets quand, dans quelques années, l’IA sera devenue experte en crimes en tout genres…
Non. Refais, mais en partant du principe que le mari n’est pas vraiment là et que Sarah est paranoïaque (sans dire qu’elle est paranoïaque), et immerge nous dans sa terreur en faisant douter subtilement de la réalité du monde. Et oublie l’histoire d’égouts et d’expériences, c’est inintéressant
Vous en conviendrez, on se contrefout de ses histoires de zombie des égouts… Je ne vous fait pas l’affront de vous montrer chaque itération du texte, mais après quelques conseils prodigués avec toujours autant de fermeté (désolée Sarah, c’est moi qui t’ai dit de sauter du balcon. Oopsie), voilà ce que ChatGPT a proposé :
Sarah se frayait un chemin parmi les passants pressés dans les rues de la ville futuriste de Neo-Tokyo. Elle venait de finir son service à l’hôpital et se dirigeait vers son petit appartement dans le quartier de Shinjuku. Elle essayait de chasser de ses pensées l’image de son ex-mari, Takeshi, qui hantait encore ses nuits. Elle se répétait qu’il n’était plus là, qu’il ne pouvait plus lui faire de mal.
Mais alors qu’elle s’apprêtait à insérer sa clé dans la serrure de sa porte, elle crut entendre son souffle haletant derrière elle, comme quand il était ivre. Elle se retourna vivement, mais il n’y avait personne. Elle se força à se calmer, se disant que c’était juste son imagination qui lui jouait des tours.
Une fois à l’intérieur, elle verrouilla soigneusement la porte derrière elle et se dirigea vers la cuisine. Elle se servit un verre d’eau, mais alors qu’elle le portait à ses lèvres, elle vit une silhouette se écarter des ombres dans le coin de la pièce. Elle laissa échapper un cri et renversa son verre. Mais quand elle alluma la lumière, il n’y avait personne.
Sarah se mit à trembler, se demandant si elle devenait folle. Elle se força à se concentrer sur des tâches simples, comme se préparer à manger, mais à chaque fois qu’elle entendait un bruit, elle se retournait, persuadée qu’il était là, qu’il était venu la chercher. Elle sentait encore son odeur dans l’appartement, elle n’avait pas encore changé la serrure.
Lorsqu’elle se coucha pour dormir, elle resta éveillée des heures, tendant l’oreille pour entendre le moindre bruit suspect. Elle se demandait si elle pourrait jamais se sentir en sécurité à nouveau, si elle pourrait jamais oublier son ex-mari, qui l’avait battue et harcelée pendant des années, ou si elle serait prisonnière de ses propres peurs pour toujours.
Finalement, elle ne put plus supporter la pression, elle se leva d’un bond et courut vers la fenêtre. Elle l’ouvrit et se jeta dans le vide, laissant derrière elle son passé et ses peurs. Elle se laissa tomber dans les rues de Neo-Tokyo, libre enfin.

Bref, le Show don’t tell, c’est toujours pas ça pour ChatGPT… Là, on a un texte franchement bof, mais déjà largement meilleur que les premières itérations. A noter que la plupart des « idées » viennent de l’IA, je ne fais que rediriger celles-ci et les affiner.
A ce stade, j’entreprends donc de lui faire un résumé de l’histoire, parce que je vois qu’il arrive face à un mur et ne progresse plus. Malgré tout, ce n’est pas mon histoire, mais la sienne :
écris l’histoire de Sarah, une française au japon qui, en rentrant chez elle le soir, voit son ex-mari, Takeshi, qui l’attend. Elle se dépêche de rentrer, ses mains tremblent sur les clefs de l’appartement, elle referme derrière elle. Il lui parle, l’insulte, mais elle ne veut pas l’écouter, se bouche les oreilles, terrorisée. Elle entend alors la serrure qui tourne et se rappelle qu’il a toujours les clefs. Elle recule, prend un couteau, le menace. Il est ivre. Elle recule jusqu’à la fenêtre. Dehors, on voit les néons de la ville et la tour de Tokyo. Il lui décrit toutes les horreurs qu’il compte lui faire. Elle escalade la balustrade pour passer sur le balcon des voisins et s’enfuir, mais elle glisse et tombe. Mais on doit comprendre que Takeshi n’est pas vraiment là, que tout est une hallucination.
Un résumé fort laid, que je n’oserais jamais montré en-dehors de cet exercice. C’est un peu comme faire ses vocalises…
Voici donc son texte à ce stade :
Sarah se frayait un chemin parmi les passants pressés dans les rues de Tokyo. Elle venait de finir son service à l’hôpital et se dirigeait vers son petit appartement dans le quartier de Shinjuku. Elle essayait de chasser de ses pensées l’image de son ex-mari, Takeshi, qui hantait encore ses nuits. Elle se répétait qu’il n’était plus là, qu’il ne pouvait plus lui faire de mal.
Mais alors qu’elle s’apprêtait à insérer sa clé dans la serrure de sa porte, elle vit qu’il était là, assis sur les marches, l’attendant. Elle sentit son cœur s’emballer, ses mains trembler sur les clefs. Elle se dépêcha de rentrer et referma la porte derrière elle, le verrouillant rapidement.
Il se mit à lui parler, à l’insulter, mais elle ne voulait pas l’écouter. Elle se boucha les oreilles, terrorisée. Elle entendit alors la serrure tourner et se rappela qu’il avait toujours les clefs. Elle recula, cherchant quelque chose pour se défendre. Elle attrapa un couteau de cuisine, le tenant devant elle pour le menacer. Il était ivre, elle le voyait dans ses yeux.
Elle recula encore, jusqu’à la fenêtre. Dehors, on voyait les néons de la ville et la tour de Tokyo. Il lui écrivait toutes les horreurs qu’il comptait lui faire. Elle savait qu’elle devait fuir, mais elle ne pouvait pas lâcher le couteau. Elle se rappela alors qu’il y avait un balcon qui donnait sur celui des voisins. Elle se dirigea vers là, escalada la balustrade, mais glissa et tomba.
Mais alors qu’elle gisait sur le sol, elle réalisa que Takeshi n’était pas vraiment là, que tout cela n’était qu’une hallucination causée par son stress post-traumatique suite à sa relation violente avec lui. Elle se releva, se demandant comment elle allait pouvoir surmonter ces cauchemars qui la hantaient encore.
On tient quelque chose. Rien de formidable, mais ça commence doucement à prendre forme. Bon, on a Sarah qui se relève d’une chute, pépouze après s’être jetée par la balustrade pour le fun, mais pas de souci, on va bientôt la tuer comme il se doit.
A partir de cet essai, je suis donc entrée dans les détails, en lui formulant des remarques paragraphe par paragraphe, pour affiner le texte, ajouter de la substance, changer des descriptions. Bon, le logiciel a commencé à me dire que nous violions les politiques de contenu, sans doute parce que ça devenait gore et que ça parlait de suicide. Cela ne l’a pas empêché, toutefois, de continuer à me proposer du texte et à l’affiner. Tant qu’il ne me force pas à mettre des avertissements de contenu…
La version finale…
Pour finir, on se retrouve avec cette dernière version, certainement perfectible. Le plus intéressant est que je n’ai émis aucune idée de base, j’ai simplement aidé la machine à affiner, comme je l’aurais fait en accompagnement d’écriture. J’ai fait des modifications, c’est moi qui lui ai fait comprendre que le mari devait être une hallucination, ou peut-être un fantôme, mais je n’ai pas inventé le mari violent. Je lui ai demandé d’intégrer le petit-ami, cependant, et j’ai dû moi-même finaliser le plan et l’intrigue, sinon ça ne collait pas. Et même en faisant cela, on ne se retrouve pas devant un texte fameux.
Concernant le style, j’ai pu l’améliorer à plusieurs reprises, mais ça reste très basique. On a tout de même eu des descriptions complètement décalées, comme « La tour de Tokyo se dressait fièrement, offrant un panorama majestueux » que je lui ai demandé de dépailleter un peu.
Malgré tout, je ne suis pas sûre que ce soit un pire niveau que beaucoup d’êtres humains, et nous avons déjà reçu des nouvelles moins bien écrites (mais pas aussi courtes, certes).
Sans plus attendre, le chef d’œuvre :
Sarah se frayait un chemin parmi les passants pressés dans les rues de Tokyo. Elle venait de finir son service à l’hôpital et se dirigeait vers son petit appartement dans le quartier de Shinjuku. Elle essayait de chasser de ses pensées l’image de son ex-mari, Takeshi, qui hantait encore ses nuits. Elle se répétait qu’il n’était plus là, qu’il ne pouvait plus lui faire de mal.
Mais alors qu’elle insérait sa clé dans la serrure, elle vit qu’il était là, assis sur les marches, l’attendant. Il se leva et dit : « Tu croyais vraiment pouvoir t’enfuir ? Tu vas payer pour tout ce que tu m’as fait » Elle sentit son cœur s’emballer, ses mains trembler sur les clefs. Elle se dépêcha de rentrer, referma la porte derrière elle, et verrouilla rapidement.
Il se mit à lui parler, à l’insulter, mais elle ne voulait pas l’écouter. Elle se boucha les oreilles, terrorisée. Elle entendit alors la serrure tourner et se rappela qu’il avait toujours les clefs. Elle recula, cherchant quelque chose pour se défendre. Elle attrapa un couteau de cuisine, sa lame brillant dans la faible lumière de l’appartement, le tenant devant elle pour le menacer. Il était ivre, elle le voyait dans ses yeux injectés de sang.
Elle recula encore, jusqu’à la fenêtre. Dehors, la tour de Tokyo se dressait tel un monstre de verre et d’acier, se détachant sur le ciel noir. Les lumières de la ville se reflétaient sur sa surface lisse, créant des reflets inquiétants. Il lui dit : « Tu vas voir ce que je vais te faire, sale pute. Tu vas souffrir comme jamais » Elle savait qu’elle devait fuir, elle prit son téléphone et appela son petit-ami actuel, Kenji.
Elle se dirigea vers la balustrade, escalada, mais glissa. Elle se retrouva pendue dans le vide. Takeshi s’approcha, elle lâcha prise de peur et tomba.
Elle tomba lourdement au sol, entendant ses os se briser sous l’impact. Elle vit le sol autour d’elle s’imbiber de sang, les os brisés transperçant sa chair. Elle vit le balcon d’où elle était tombée, il n’y avait personne. Elle entendit Kenji lui crier au téléphone: « Sarah, ce n’est pas possible. Takeshi s’est suicidé il y a un an, il ne peut pas te poursuivre ». Les sirènes de police se rapprochaient, mais Sarah ne les entendait plus. Elle avait les yeux rivés sur le balcon vide, le téléphone encore collé à son oreille, comprenant que tout cela n’était qu’une hallucination. Elle mourut là, seule, au milieu de sa terreur.
Autant dire que ce test n’est que modérément concluant.
Pourtant, on remarque déjà une capacité d’amélioration et d’écoute des commentaires. Jj’ai beau savoir que je parle à une machine qui cherche simplement à deviner les mots à mettre à la suite des autres et qu’elle n’a aucune compréhension de ce qu’elle fait, l’illusion est là. Elle a été capable de pondre une histoire, certes très brève et avec assistance, qui se tient à peu près. Mais mon assistance est uniquement verbale, je n’ai pas modifié moi-même le texte, je n’ai rien écrit.
Un retour en demi-teinte, donc, en tout cas pour la fiction. En revanche, pour du texte explicatif, de synthèse ou de contenu de blog, ChatGPT me semble déjà être en mesure de produire des contenus convaincants (je l’ai essayé et, s’il y a des erreurs notables, l’ensemble est plutôt cohérent).
Et il semblerait que ce n’est rien par rapport à la future version du logiciel, ChatGPT 4.0...