Genre, féminisme et transidentité.
Une fois n’est pas coutume, je reprends ici un contenu que j’ai publié sur Instagram. Le blog est un meilleur outil pour conserver mes mots, en toute indépendance vis à vis d’une plateforme qui peut supprimer des contenus quand il lui chante, selon les règles qui lui chantent.
Sur la page d’Océan, on le voit torse nu. Contrairement à moi, il n’a pas besoin de mettre de stickers et il s’en offusque, à juste titre. Avant il ne pouvait pas, et maintenant qu’il a transitionné, il peut.
De mon côté, c’est l’inverse.
La transition de genre est passionnante tant elle révèle les travers de notre société. J’ai été socialisée homme et j’ai appris les codes de la moitié de la population, codes auxquels, malgré moi, je me conformais. En transitionnant, j’ai pu voir à quels points ceux-ci étaient nombreux, implicites, et ce n’est rien par rapport à ceux qui régisse la gent féminine.
Lorsque l’on se penche un peu dessus, on se rend compte d’une différence de traitement. Les femmes ont moins accès à l’espace public, par exemple. Je viens d’ailleurs de voir que ma ville, Rennes (merci, Rennes), s’était rendue compte que l’argent public était en majorité dépensé en faveur d’activités « masculines » et comptait y remédier (quand il y a un terrain de disponible, le premier réflexe sera par exemple de le transformer en terrain de foot, sport à grande majorité masculine, ce qui est là aussi culturel et un autre débat). Quand on regarde les grandes fortunes, les postes à responsabilité, les salaires, ont perçoit une inégalité. Tout cela, il suffit de regarder des études pour s’en rendre compte, c’est facile.
Ce que la transition montre, c’est tout ce qui sort des statistiques (qui sont pourtant niées par beaucoup…). Le langage est un exemple. Je ne parle pas du masculin qui l’emporte sur le féminin, beaucoup parleront mieux que moi de l’écriture inclusive. Non, je pense à la façon même de prononcer les mots, de parler. Cela fait des mois que je travaille avec une orthophoniste sur ma voix, et pas seulement pour une question de hauteur. La façon même de poser les mots est différente entre un homme et une femme, les intonations varient, et c’est vrai dans le monde entier. J’en avais conscience pour le Japon, où la voix ne vient pas du même endroit et des mots comme le « je » diffèrent selon le genre de celui ou celle qui parle. Mais c’est aussi vrai en France et il faut de la rééducation pour le changer.
Pourquoi est-ce différent ? Eh bien en partie parce que le rapport à l’émotion, tout enfant, diffère. À un petit garçon, le monde lui dira d’être fort, de contrôler ses émotions, d’être en maîtrise. À une petite fille, le monde dira de les exprimer. Cela se traduit par une façon de parler plus monocorde chez les hommes, avec moins d’intonations. Si ces injonctions dans la petite enfance changent jusqu’à la façon de s’exprimer de toutes et tous, qu’est-ce que ça change d’autre ?
J’ai écrit un livre il y a deux ans, une romance lesbienne (Sextape) que j’avais ensuite transformée pour en faire une version hétérosexuelle (il n’existe aujourd’hui que la version lesbienne). La plupart des mots étaient identiques, j’avais surtout dû changer les accords, et pourtant, toute l’énergie des personnages changeait. La nana un peu sûre d’elle et qui avait choisi sa carrière devenait un bonhomme sans originalité, tandis que la rockstar beaucoup plus en phase avec l’artistique passait d’un coup pour très androgyne. C’est effrayant qu’en changeant seulement certains mots notre cerveau réorganise lui-même le texte pour conformer les individus à notre perception normée du monde et à un genre défini.
Pour en revenir au sujet de base de ce post, toutes ces différences sont éclatantes lorsque l’on y prête attention. On se rend compte de ce que l’on a plus le droit de faire quand on devient femme, de toutes les normes en place qui n’ont aucune raison, si ce n’est d’oppresser. La transidentité met en lumière beaucoup de ces sujets du quotidien, ce qui est d’autant plus rageant quand on voit tous les discours féministes depuis Olympe de Gouges et que, finalement, on est toujours dans ce même bain.
Voilà ce que m’inspirent ces deux petits stickers…