Matrix 1 est sorti en 1999, à l’aube d’un nouveau millénaire. La trilogie part d’une situation froide et désespérée et montre comment le libre arbitre et la pensée peuvent libérer des carcans
Libérer, le mot clef…
Et puis il y a eu 2001, le World Trade Center et la naissance d’une peur diffuse… Une peur qui a consumé le début du XXIe siècle et qui a nourri l’asservissement… La sécurité a vaincu – a violé – la liberté.
Internet, cette force de libération, à laquelle je pense que les Wachowskis croyaient, est devenue non pas une nouvelle Zion, mais une nouvelle Rome, un Colisée où les pensées sont vidées de leur substance… Un monde laid, où l’émotionnel est galvaudé, où l’Art se résume à des punchlines, à l’image de la vie…
Matrix IV est aussi fatiguée que moi. Ce n’est pas un film, c’est un pamphlet qui se déguise en une jolie fanfiction, mais on ne ressent que la lassitude. Néo est épuisé. Il n’y croit plus, et on n’y croit plus. Il se bat parce qu’il faut, mais les idéaux que lui et les résistants défendaient ne sont plus que des fantômes.
Leurs ennemis sont des parodies, il n’y a plus de force ou de grandeur, seulement de la farce et de la laideur… Ce ne sont plus de grands combattants mués par des idéaux contraires qui assaillent Néo, mais une masse difforme et informe. La foule sans âme et sans prestance et sans discernement.
Les personnages clament tout cela, d’ailleurs : le film est conscient de lui-même, conscient aussi que le spectateur de 2021 est trop idiot pour saisir la métaphore. Il faut de l’immédiateté, adieu subtilité.
La musique est en reste. La bande son de la trilogie m’a profondément marquée… Ici on a le droit à un remix de White Rabbit, musique phare de Sucker Punch… Super… Où sont Ministry, Juno Reactor, Rob Dougan, Rage against the machine, Deftones ou encore le morceau génial de Propellerheads ? Bien loin…
La réalisation, quant à elle, se moque de nous… « Vous voulez un nouveau bullet time ? Allez vous faire foutre, vous n’avez rien compris« . Les scènes d’action sont paresseuses, manquent d’inspiration, ne dégagent plus rien. Elles sont fadasses par rapport aux premiers films et, à mon sens, Lana Wachowski n’en a rien à cirer. Comme je la comprends…
La première trilogie parle de choix, de rêves, de foi, de volonté, de libre pensée, de combat, d’amour…
Matrix Resurrections, lui, incarne la désillusion d’un monde épuisé qui n’a que trop vécu et pour lequel il n’y a plus beaucoup d’espoir… Les choix mêmes sont niés… L’essence de l’œuvre est piétinée sciemment.
Alors oui, cinématographiquement, le film est bien en-deça des premiers… Et en cela, il traduit avec génie la médiocrité de notre époque.